Qu’est ce qu’appartenir sinon le frisson senti en écoutant une chanson folklorique

محمد علي كمون

Il y avait, depuis samedi 17 novembre, quelque temps déjà, une sorte d’irritation qui faisait et fait encore son chemin dans mon âme. Une sorte de flots de sensations qui se tassaient les uns sur les autres formant une couche épaisse qui protégeait tout mon corps de l’intérieur. Cela ressemble à une substance lente dont j’ignore toujours la composition chimique ou alchimique. Je n’ai jamais cru, jusqu’à ce jour là, que les notes musicales ont cette profondeur. Les 24 parfums, les élixirs de vie inspirés du patrimoine musical tunisien… Douze préludes puisant dans le folklore leur substance première, et ma substance éternelle. L’immatérialité de ces 24 parfums faisait la véracité de mon ancrage dans ce sol, béni soit-il. J’appartiens. Je suis parce que j’appartiens : c’est ce que ces quelques notes ont pu susciter en moi. Ce voyage pendant lequel j’ai pu naviguer sur une note musicale s’intensifiait d’une chanson à une autre, et l’extase atteignait son paroxysme avec les vibrations des instruments et des voix. J’étais présente, matériellement, mais mon âme a pu s’envoler, là et ça, se rappelant de toutes les chansons qui font, en grande partie, ma tunisianité. Une entité mue par une histoire subjuguait un temps révolu : « Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût, c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray[…] que ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul.» disait Proust dans A la recherche du temps perdu. C’était exactement ça, ma madeleine de Proust. La reprise d’une chanson de mariage récité harmonieusement à la région de Sfax, a suscité en moi cette impression de réminiscence. Mes souvenirs d’enfance abandonnés dans ma « mémoire poétique » resurgissaient. De la salle de la Cité de la culture, je me suis retrouvée dans la toute petite voiture de papa, un dimanche matin. Et si les mots sauraient représenter graphiquement la photographie qui se présente dans ma tête… Les rues de Sfax, les portes de la Médina, les chansons passées à la radio sur la route hebdomadaire vers Le café Claude Alain. J’étais petite, des cheveux coupe garçonne… Je me rappelle de ce coin, cher à papa et moi. Je me rappelle surtout de la forme du petit coquillage de pâtisserie qu’il m’achetait. Si grassement sensuel, enveloppé dans un plissage que j’avais parfois l’habitude de manger avec le gâteau…
Je souriais, en écoutant ces reprises, ingénieuses à mon sens. Une orchestration de sons et de sens unique et plurielle à l’image d’un pays qui saura, renaître de ses cendres, comme il a toujours su éveiller en nous, d’un temps à l’autre, ce sentiment d’appartenance.

Nour Boussarsar

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